Égalité hommes-femmes

Ce qu’il faut changer au Québec

Qu’elles se sentent brillantes ou non, les élèves québécoises ont au moins la chance de voir certains stéréotypes disparaître. Mais il reste de gros progrès à faire, selon un récent avis du Conseil du statut de la femme intitulé « L’égalité entre les sexes en milieu scolaire ». Le point en quatre questions.

Qui réussit le mieux à l’école ?

Les filles réussissent mieux que les garçons en français. Mais les garçons réussissent mieux en mathématiques.

C’est ce qu’ont répondu 70 % et 40 % des enseignants lors d’un sondage fait auprès de 400 d’entre eux pour le Conseil du statut de la femme (CSF). Et leurs réponses reflètent très bien les résultats obtenus par leurs élèves aux tests du PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves).

Dans son récent avis sur l’égalité des sexes à l’école, le Conseil s’inquiète toutefois à l’idée que les enseignants considèrent que ces différences sont innées, puisque 48 % des enseignants ont dit « s’attendre » à des résultats différents selon le sexe des élèves.

Du côté des enfants, l’idée que les mathématiques représentent une discipline masculine est maintenant disparue, a constaté lors d’une étude Isabelle Plante, professeure au département d’éducation et formation spécialisées de l’UQAM. Peut-être que les bonnes notes des filles ont renversé les vieilles croyances, dit-elle, tout comme le retrait de messages biaisés dans le matériel pédagogique.

Faut-il souligner les différences ?

Selon plusieurs chercheurs, mieux vaut l’éviter, puisque l’effet paralysant des stéréotypes est très documenté et entraîne une sous-performance lors des examens ou même des tournois d’échecs. C’est vrai chez les filles par rapport aux garçons, mais aussi chez les garçons blancs ou noirs par rapport aux garçons d’origine asiatique.

Certains préjugés se transmettent quand même de manière inconsciente, précise Isabelle Plante. « En première et en deuxième année, plus une enseignante est anxieuse quant à sa propre maîtrise des mathématiques, plus les filles de sa classe croiront que les garçons sont meilleurs en maths et moins elles réussiront à la fin de l’année. Alors que les garçons ne sont pas affectés. »

Fait important : on nuit aussi aux garçons en leur répétant que les filles sont plus fortes en français. « Ils me disent souvent : “C’est parce que c’est une fille qu’elle réussit” », rapporte Nathalie Tremblay, qui enseigne dans une école secondaire du quartier Saint-Michel.

Un étudiant d’Isabelle Plante, Simon-Benoît Kinch, a soumis des élèves du primaire à deux dictées. La première, sans directives, et la deuxième, après avoir dit aux participants qu’un des deux sexes risquait de mieux réussir que l’autre – mais sans préciser lequel. Les garçons faisaient beaucoup plus de fautes la deuxième fois.

Comment se comportent les enseignants québécois ?

Près de 77 % des enseignants interrogés par le Conseil affirment que leur enseignement est « exempt de sexisme ». Mais l’organisme en doute, entre autres parce que les sondés ont majoritairement répondu que les filles étaient « plus appliquées et disciplinées » (73 % le pensent). Ou que les garçons préféraient « naturellement » les activités qui mobilisent les habiletés techniques et mathématiques (76 % le croient).

« Ça entraîne un enseignement différencié, prédit Hélène Charron. On n’encourage pas les mêmes habiletés chez les garçons et les filles, et on ne les critique pas pour les mêmes choses. On pousse plus les garçons à utiliser leur imagination, à dépasser leurs limites, et on pousse plus les filles à soigner la forme. »

Le Conseil recommande donc de ramener une formation sur l’égalité des sexes.

« En classe, la nouvelle génération est très sensible à ça et essaie de défaire ces stéréotypes », constate pour sa part Sarah Valiquette, qui enseigne en troisième année à l’école primaire Notre-Dame-de-Grâce. Mais il faut faire des efforts. « Le matériel que la société nous remet tout cuit est très genré, dit-elle. À la bibliothèque, tu reconnais très vite les livres “pour filles”, avec leurs couvertures roses. »

Que penser des manuels scolaires ?

Près de la moitié des 400 enseignants sondés par le Conseil du statut de la femme estiment que la contribution des femmes à l’histoire (en général, en art, en science, etc.) n’est pas suffisamment mise en valeur dans le programme scolaire et le matériel pédagogique.

D’immenses progrès ont été faits, mais ils sont insuffisants, a conclu Hélène Charron, après avoir analysé les contenus éducatifs des cours d’histoire et des cours d’éthique et culture religieuse. « On aborde encore la trame historique [en se centrant trop sur les hommes]. Ça peut encore laisser croire que les femmes sont moins légitimes dans certains domaines. Il faut mettre de l’avant l’importance de leur contribution, expliquer combien ça prend de l’intelligence pour réaliser ce qu’elles ont fait dans des circonstances peu favorables. »

Dans le milieu de la physique, l’étude de Science sur la perception des fillettes a été très discutée, indique Pauline Gagnon, une physicienne des particules qui a longtemps travaillé à l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, un très prestigieux laboratoire. « J’ai souvent été isolée, victime de sexisme dans ma carrière, et ça se traduisait souvent en mots, raconte la scientifique québécoise. Je pense que ça va changer quand les petites filles vont voir plus de filles dans les domaines traditionnellement masculins. »

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